L’UE, avec le soutien des USA (pour le renforcement de l’influence de l’OTAN), semble jouer les trouble-fêtes dans les rapports russo-ukrainiens et leurs divers projets (par exemple: la construction du pont sur le Détroit de Kertch).
L’UE et l’Ukraine souhaiteraient-elles s’entendre sur un processus d’intégration économique tout d’abord, ensuite sur accord de libre-échange, puis une intégration politique? Oui, mais à condition que certaines entorses au droit (dictature, emprisonnements), à la bonne gouvernance (corruption), à l’environnement (pollution en Mer Noire), à la sécurité des installations nucléaires civiles, etc. soient améliorées.
Disons-le simplement: L’UE n’a pas les moyens de ses ambitions, ni politiques, ni économiques et encore moins géo-stratégiques. Pour les dernières, le « Vieux Continent » n’est qu’un vassal de l’OTAN. Les vestiges de la Guerre Froide ne sont pas morts, la Russie voulant remplacer l’Union Soviétique et reprendre son influence sur les états voisins.
Voici quelques raisons pour lesquelles, si j’étais M. Vladimir Poutine, je (re)prendrais la Crimée:
1 – Officiellement, j’utiliserais les outils onusiens et du droit international pour jouer la carte de l’autodétermination. Cette presqu’île jouit d’une autonomie déjà étendue face à l’Ukraine. Elle est peuplée de Russes et ce territoire avait été cédé à l’Ukraine.
Voici d’autres raisons qui ne sont/seront probablement pas évoquées officiellement:
Pour mieux comprendre, voici la carte:
2 – Sébastopol (en rose) est la seule base de la marine russe en mer chaude. Elle est essentielle, avec un accès direct en Mer Noire, donc sur la Mer Méditerranée. Si la Crimée (re)devient russe, l’avenir de cette situation stratégique est garanti. Si l’Ukraine se rapproche de l’ouest, il faut absolument sécuriser la Crimée pour assurer la base. Pour rappel, tous les autres ports militaires de la Mer Noire sont aux mains de l’OTAN.
3 – Une Crimée russe implique un contrôle total sur le Détroit de Kertch, donc sur toute la Mer d’Azov. Cette mer était autrefois considérée comme 100% russe. Elle a été internationalisée sous l’influence de l’Ukraine. L’Ukraine perdrait donc l’indépendance de sa côte dans la Mer d’Azov. Elle ne garde que l’accès à la mer par la Mer Noire, qui est sous influence de la base russe de Sébastopole (cf. ci-dessus).
4 – La Guerre de Crimée est aux Russes ce que Verdun représente aux Français ou Stalingrad représente à la Wehrmacht. M. Poutine bénéficie d’un soutien populaire sans faille car cette prise représente une revanche sur la défaite de 1856. Le Vladimir Poutine de l’après Sochi continue de se présenter comme l’homme du renouveau de la Grande Russie sur la scène internationale.
Après quelques considérations militaires, quelles sont les enjeux économiques? Ceux-ci se jouent plus largement sur l’Ukraine, et non plus seulement sur la Crimée.
5 – D’un côté, environ un 1/4 de la consommation totale de l’UE, passe en grande partie par des oléoducs et gazoducs situés en Ukraine. De l’autre, la Russie a grandement besoin de sa rente pétrolière et gazière. L’effondrement de l’Empire soviétique et l’indépendance de l’Ukraine ont entraîné une suite de conflits dans ce domaine. La Russie sait que l’Ukraine est le maillon faible de sa distribution vers l’UE, pour cette raison, deux projets de contournements sont à l’étude (cf. Nord Stream et South Stream).
Entretemps, Poutine serait-il prêt à restreindre l’approvisionnement des besoins des principales économies européennes (Allemagne 36%, Italie 27% et France 23%)? La Russie n’accordera des garanties d’approvisionnement aux Européens que si les Ukrainiens cèdent sur les dirigeants de leur nouveau gouvernement. Les ardeurs diplomatiques vont très certainement se calmer…
6 – Les réserves pétrolières potentielles en Mer Noire, largement inexploitées, sont très prometteuses. Les multinationales et, derrière elles, les Etats se livrent déjà une guerre pour s’accaparer les meilleurs forages. Exxon Mobil, Total, etc.
7 – L’Ukraine est en train d’augmenter l’extraction d’uranium et pourrait devenir exportateur.
8 – L’Ukraine détiendrait env. 30% de terre noire.
9 – Depuis 2008, l’Ukraine est débitrice du FMI pour 13 milliards d’euros. Ce montant vous rappelle-t’il des offres russes et européennes?
10 – Les conséquences? Dans le cas où la tension monterait, quelles sont les réelles forces capables de mettre en échec l’armée russe. Un rapide tour d’horizon livre une réponse simple: aucune. La Russie a récemment testé son influence sur l’enlisement du conflit en Syrie. Les forces US sont encore mobilisées sur les terrains moyen-orientaux et l’opinion n’accepterait pas l’ouverture d’un nouveau conflit ouvert avec la Russie. A part des engagements ponctuels en Afrique, les forces militaires européennes hors OTAN n’ont aucune crédibilité.
En résumé, si j’étais M. Vladimir Poutine, je prendrais la Crimée. Et vous?